Archives de catégorie : Poèmes

Le sonnet irrationnel : Symphonie du matin.

Symphonie du matin

J’ai vu le merle noir sur la clôture blanche,
Me lancer son clin d’œil pendant que sur la clenche,
Ma main tout doucement retenait son frisson.

Comme il est beau l’oiseau quand il n’est pas en cage !

J’ai suivi son envol par dessus mon buisson,
Madame l’attendait près de la grenadille,
Retenant dans son bec un morceau de brindille,
Tandis qu’une mésange ajustait sa chanson !

Comme il est beau l’oiseau quand il n’est pas en cage !

Un pigeon roucoulant, dans son veston bleuté,
Croisait sans un regard la grise tourterelle,
Et le ciel attendri, pour fêter l’hirondelle,
Dans un regain d’amour peaufinait sa beauté !
Comme il est beau l’oiseau quand il n’est pas en cage !

Annie

La Gérardine : Éternelle nostalgie.

Éternelle nostalgie

Ne plus penser à rien qu’à l’oiseau qui chantonne,
Oublier du passé tous les jours anxieux,
Préférer l’éventail des couleurs de l’automne
Pour mieux vivre au présent un rêve gracieux,
Celui qui me convie à la lande bretonne.

Mais mon esprit frondeur, un rien malicieux,
Me ramène sans cesse à ma terre natale,
Où le soleil brûlant bien plus audacieux,
Réveille mon besoin d’être sentimentale !

Voici qu’un doux regret dansant à l’horizon,
Afin de m’envoûter, sort son arme fatale,
Ce rappel est si fort que j’en perds la raison !

Faut-il donc qu’à nouveau, sous un ciel qui moutonne,
Je déguste à plaisir ce terrible poison,

N’avoir pour seul bonheur qu’un refrain monotone !

Annie

Le pantoum : A ma couronne de communion !

A ma couronne de communion !

Près d’un jupon de marguerite,
Je pense à toi père chéri.
Le printemps sort de sa guérite,
Déjà le crocus a souri.

Je pense à toi père chéri,
Te souviens-tu de ma couronne ?
Le gros nuage s’est tari,
L’air est plus doux, le chat ronronne.

Te souviens-tu de ma couronne ?
Les fleurs des champs sont en satin ;
Hommage à toi sainte patronne,
Le clocher bruit dans le lointain.

Les fleurs des champs sont en satin,
A la porte de notre église.
Sous un vitrail diamantin,
L’oiseau lance une vocalise.

A la porte de notre église,
Tu m’as conduite par la main.
Puisque l’hiver fait sa valise,
On sait qu’il fera beau demain !

Tu m’as conduite par la main,
Ta fleur était ma favorite !
On sait qu’il fera beau demain,
Près d’un jupon de marguerite !

Annie

Le sonner marotique : Printemps

Printemps

Le temps est revenu de voir s’ouvrir les roses,
De gagner les bosquets où les amants fidèles,
S’en vont main dans la main guetter les hirondelles,
Ou cueillir du bonheur, maintes dentelles roses.

Adieu les jours frileux ! Adieu tristes névroses !
Bientôt refleuriront les belles muscadelles,
Nous n’aurons plus besoin d’allumer les chandelles,
Car les jours seront longs au pied des primeroses !

Les matins sont en or, les cieux sont diamants,
Ô mois des mariés que vous êtes charmants !
On se doit d‘être heureux au son des campaniles.

Voici venir aussi les plus belles chansons
Qui, sous les feux du ciel, bénissent les moissons
Mêlant leur voix profonde aux notes juvéniles.

Annie

Le Maillet : La vie.

 

La vie

La vie est un jardin aux multiples couleurs,
Elle se vêt de rose un jour de renaissance,
Abandonne le gris aux nuages leurs,
En préférant le bleu pour une quintessence.

Et puisque le printemps fait rire mille fleurs,
La vie est un jardin aux multiples couleurs,
Où l’on cueille avec soin quelques brins d’immortelles,
Des grappes de lilas parfumant leurs dentelles.

Dans l’été qui rayonne, aux premières chaleurs,
Tous les prés reverdis charment les pâquerettes ;
La vie est un jardin aux multiples couleurs,
Pissenlits, boutons d’or poudrent leurs collerettes.

Quand l’automne jaillit entre soleil et pleurs,
Il est temps de penser à réveiller la flamme,
Bien avant que l’hiver noircisse corps et âme ;
La vie est un jardin aux multiples couleurs !

Annie

Le sonnet à clausules : Les moineaux du matin.


Les moineaux du matin

Les moineaux ce matin, dessous la verte branche,
Frétillent de plaisir, se gavent de bonheur ;
De ce tableau vivant je me fais moissonneur,
J’en croque chaque jour une nouvelle tranche !

Mon rêve omniprésent, derrière eux se retranche ;
Comment ne pas sourire à ce camp butineur ?
Vermisseaux, brins de paille et qu’importe l’honneur !
Car avides de tout, ont la gaîté bien franche,
Les moineaux du matin !

Une bagarre éclate entre deux chenapans,
Là je dois avouer que mes pauvres tympans
N’étaient pas encor prêts pour la feinte querelle !

Aussi malins que vifs, ils sont déjà partis…
Je vois à mon bosquet couvert de plumetis
Que demain reviendront mimer la chanterelle,
Les moineaux du matin !

Annie

Le sonnet à kyrielle : Curieuse politique.

Curieuse politique !

Tandis que nous grognons contre la politique
Les genêts des talus laissent couler de l’or,
Leur générosité n’est pas diplomatique
Ne craignant de montrer tout l’envers d’un décor !

La marguerite accourt en ce lieu fantastique,
Où rient la pâquerette et le gai bouton-d’or ;
Chacun trouve sa place en respectant l’éthique,
Ne craignant de montrer tout l’envers d’un décor !

Les ajoncs généreux ont déversé leur bourse
Et dorment maintenant couchés sur leur ressource,
Ne craignant de montrer tout l’envers d’un décor !

Comme il faut bien aussi qu’un peu le monde bouge,
Gentil Coquelicot veut voir la vie en rouge
Ne craignant de montrer tout l’envers d’un décor !

Annie

Le sonnet français : Mauvaise humeur.

Mauvaise humeur

Dans l’air humide et frais, je promène ma peine,
Celle d’avoir perdu cette complicité
Qui nous liait tous deux dans un monde ouaté,
Beaucoup plus doux encor que la plus douce penne !

Désormais l’habitude a refermé le pêne,
Je demeure blottie en mon anxiété,
Maintenant que le temps, dans sa frivolité,
Flatte d’autres minois et me sourit à peine…

Je n’oublierai jamais cette jeune épousée,
Au regard ébloui d’être plus courtisée
Que la rose en jupon qui lentement se meurt.

Quand l’avenir n’est plus qu’un éclat de bohème,
Je me dois de calmer cette mauvaise humeur,
En chassant le cafard des mots de ce poème !

Annie

La Terza-Rima : Dans tes yeux.

Dans tes yeux

Dans tes yeux j’aimerais, à la frange d’un ciel,
Cueillir mille couleurs et des morceaux d’étoile
Pour les mettre en bouquets en un flux glaciel,

Celui de mon chagrin dès qu’il trempe la toile
Des songes du passé qu’enveloppe une peur,
Dormant sous l’édredon d’une lune sans voile.

Ton regard si brûlant, tel un bain de vapeur,
Ramènerait la joie au milieu d’une lice
Comme un frisson d’amour qui se voudrait trappeur !

Hypnotisée ainsi je me ferais complice
De ce désir lové dans ton clin d’œil mutin,
Prolongeant à plaisir l’adorable supplice !

Puis la nuit glisserait sur ton doigt de satin
La chaleur d’un baiser au doux chant des mésanges
Que tu déposerais sur ma bouche au matin,

A l’heure où Séléné rappelle tous ses anges.

Annie

Le Zegel : Premier réveil de la nature.

Premier réveil de la nature

Oh comme il est joli le cœur de la jonquille
Souriant au printemps qui déjà se maquille,
Prêt à pointer le nez de sa tendre coquille
Dès qu’un rayon plus chaud s’élève à l’horizon !

Comme il est guilleret le chant de la mésange,
Qui de sa plume bleue, aussi douce qu’un ange,
M’invite à préparer la nouvelle vendange
D’un chapelet de vers et son exhalaison !

Et ce nouveau chaton poudrant sa collerette
N’est-il pas prometteur de nouvelle amourette,
Dès qu’un gai bouton-d’or, face à la pâquerette,
Éclaire les prés verts plus fort que de raison ?

Quant au camélia, fringant comme une rose,
Il est bien le premier à taquiner ma prose,
Tandis qu’un mimosa, quittant son air morose,
Parfume mon jardin jusqu’à la pâmoison !

Annie Poirier