Tous les articles par annie

Le sonnet français : Mauvaise humeur.

Mauvaise humeur

Dans l’air humide et frais, je promène ma peine,
Celle d’avoir perdu cette complicité
Qui nous liait tous deux dans un monde ouaté,
Beaucoup plus doux encor que la plus douce penne !

Désormais l’habitude a refermé le pêne,
Je demeure blottie en mon anxiété,
Maintenant que le temps, dans sa frivolité,
Flatte d’autres minois et me sourit à peine…

Je n’oublierai jamais cette jeune épousée,
Au regard ébloui d’être plus courtisée
Que la rose en jupon qui lentement se meurt.

Quand l’avenir n’est plus qu’un éclat de bohème,
Je me dois de calmer cette mauvaise humeur,
En chassant le cafard des mots de ce poème !

Annie

La Terza-Rima : Dans tes yeux.

Dans tes yeux

Dans tes yeux j’aimerais, à la frange d’un ciel,
Cueillir mille couleurs et des morceaux d’étoile
Pour les mettre en bouquets en un flux glaciel,

Celui de mon chagrin dès qu’il trempe la toile
Des songes du passé qu’enveloppe une peur,
Dormant sous l’édredon d’une lune sans voile.

Ton regard si brûlant, tel un bain de vapeur,
Ramènerait la joie au milieu d’une lice
Comme un frisson d’amour qui se voudrait trappeur !

Hypnotisée ainsi je me ferais complice
De ce désir lové dans ton clin d’œil mutin,
Prolongeant à plaisir l’adorable supplice !

Puis la nuit glisserait sur ton doigt de satin
La chaleur d’un baiser au doux chant des mésanges
Que tu déposerais sur ma bouche au matin,

A l’heure où Séléné rappelle tous ses anges.

Annie

Le Zegel : Premier réveil de la nature.

Premier réveil de la nature

Oh comme il est joli le cœur de la jonquille
Souriant au printemps qui déjà se maquille,
Prêt à pointer le nez de sa tendre coquille
Dès qu’un rayon plus chaud s’élève à l’horizon !

Comme il est guilleret le chant de la mésange,
Qui de sa plume bleue, aussi douce qu’un ange,
M’invite à préparer la nouvelle vendange
D’un chapelet de vers et son exhalaison !

Et ce nouveau chaton poudrant sa collerette
N’est-il pas prometteur de nouvelle amourette,
Dès qu’un gai bouton-d’or, face à la pâquerette,
Éclaire les prés verts plus fort que de raison ?

Quant au camélia, fringant comme une rose,
Il est bien le premier à taquiner ma prose,
Tandis qu’un mimosa, quittant son air morose,
Parfume mon jardin jusqu’à la pâmoison !

Annie Poirier

Le sonnet marotique : Espoir

*

Notes d’espoir

 La grisaille est partout, même mon lavandin
Semble prêt à gémir durant sa longue veille,
Le cyclamen aussi, qu’un noir corbeau réveille,
Peine à mettre en valeur son beau vertugadin !

Mais ce matin je vois au fond de mon jardin,
Le fringant mimosa déployer la merveille
D’un bouquet de splendeur, que mon regard surveille,
Pressé de voir partir l’hiver et son gourdin !

Voici donc que l’espoir, lassé de sa voilette,
Renaît avec le jour, peaufinant sa toilette,
Dès qu’un rayon doré fait chanter les oiseaux !

Et quand enfin la nuit berce sa somnolence,
La nature en secret, pour broder le silence,
Déroule avec amour les fils de ses fuseaux !

Annie

Le Rondel : Être femme.

Tableau de mon amie Christiana Moreau

Être femme

Je suis heureuse d’être femme,
D’avoir acquis la liberté,
Un corps pour la maternité,
Et, je l’espère, une belle âme !

Honte à celui qui lors proclame :
« Chétive est la féminité ! »
Je suis heureuse d’être femme,
D’avoir acquis la liberté !

Mais si trop souvent je m’enflamme,
C’est face à cette humilité,
Quand un regard privé d’été
Fait sangloter mon épigramme !
Je suis heureuse d’être femme !

Annie

Prémices de l’hiver

C’est un nuage rose amoureux d’une étoile,
Qui flotte chaque soir au fil de l’horizon,
Tandis que les plus gris, voguant en garnison
Ont déjà pris le large en hissant la grand voile…

Et j’attends chaque jour qu’enfin il se dévoile
A mon regard gourmand de tendre frondaison ;
Nous voilà désormais à la morte-saison,
Gommant tous mes espoirs de voir fleurir la toile !

Je scrute alors le ciel en quête de bonheur,
Tout est sombre ou figé dans une triste brume,
Adieu belle hirondelle et papillon flâneur !

Les matins sont frisquets, même le temps s’enrhume,
Bientôt bonhomme hiver, étrange promeneur,
Parfumera les nuits d’une note d’agrume !

Annie Poirier

La Villanelle : A l’abri de ma tonnelle.

A l’abri de ma tonnelle

J’ai brodé ma Villanelle
Avec du fil de satin
A l’abri de ma tonnelle.

Pour la gentille hirondelle,
En route vers son destin,
J’ai brodé ma Villanelle.

En avant la ritournelle
Qui cueille l’or du matin,
A l’abri de ma tonnelle !

Désormais ma vie est belle,
Depuis qu’au mont Palatin,
J’ai brodé ma Villanelle !

La consonne à la voyelle
A mimé le galantin
A l’abri de ma tonnelle…

Maintenant sur la margelle
Son chant se fait cabotin !
J’ai brodé ma Villanelle
A l’abri de ma tourelle !

Annie

Les stances : La ronde des mois.

La ronde des mois

Déjà janvier s’avance en son bel artifice,
Enveloppé d’espoir et de brouillard givrant ;
Il brise du passé chagrins et maléfice
Puis il quitte la scène heureux et délirant.

Arrive février dans son manteau d’hermine
Qui transforme le bois en un monde enchanteur,
Fige le cyclamen, même la cardamine,
Dans l’attente d’un mars toujours à la hauteur !

Avril a son coucou, mai ses mille clochettes,
Chacun d’eux s’évertue à réveiller les cœurs,
Et lorsque l’on entend crépiter les branchettes,
C’est que juin rayonnant savoure ses liqueurs !

Et s’enflamme juillet de l’aube au crépuscule
Pour rester grand vainqueur des plus belles moissons
Que l’on déguste en août, en pleine canicule,
En attendant du soir deux zestes de frissons.

Sur les fils de septembre, on voit une hirondelle,
Se délecter déjà du grand rassemblement,
Tandis que les moineaux, d’un habile coup d’aile,
Surveillent de la treille, octobre au firmament.

Novembre épouse l’or du plus beau chrysanthème
Dès que la feuille meurt sous l’arbre décharné,
Jusqu’à ce que décembre attise une bohème
Pour réchauffer la crèche où dort un nouveau-né !

Annie

Stances : Le chant des vagues.

Un grand MERCI à mon amie de blog, Marie ( regard ) pour le prêt de sa sublime photo, le phare de Ploumanac’h !

Le chant des vagues

Je marche sur la plage en quête de silence,
Celui qui fait danser l’océan baroudeur,
Quand les flots brusquement maîtrisent leur ardeur,
Et que la vague enfin berce sa nonchalance.

Le clapotis de l’eau caresse les galets,
A la voix du grand large, étonnamment muette,
S’ajoute bien souvent le cri d’une mouette,
Avant qu’elle ne plonge au milieu des reflets.

Sur le sable en sueur, des crabes en déroute,
En marchant de travers, regagnent leur rocher
Que l’écume aussitôt s’amuse à dénicher
Dès qu’elle étale au loin son jupon qui froufroute !

Neptune s’est lassé de l’éternel refrain,
Il en veut plus encor, cymbales et trompettes,
Et pourquoi pas aussi des éclats de tempêtes ?
Le voilà maintenant jouant au malandrin !

Il me faut désormais me presser vers la grève,
Venant de l’horizon, la mer dans son galop,
Pour marier sa note au chant du matelot,
Chahute un peu la vague en écourtant son rêve !

Annie Poirier